On reprend l'exemple précédent, mais avec un cylindre de section carré. Les dimensions du problème sont indiquées sur la figure (4.1).
L'équation d'équilibre régissant la fonction de courant
où est la fonction de courant telle que:
et
étant les composantes de la vitesse. Les conditions aux
limites en vitesse pour ce problème sont:
La formulation faible du problème s'obtiens en multipliant l'équation
par une fonction test , et en intégrant sur le domaine
. En utilisant la formule de Green, on intègre par partie le terme
en Laplacien pour tenir compte des conditions aux limites et symétriser
le problème. En utilisant les conditions aux limites, et en interprétant
la fonction test
comme une variation
de la
solution
, la formulation faible s'écrit:
Dans la suite, pour effectuer les calculs, nous choisirons comme valeurs
numériques et
, ce qui impose un débit
unité en entrée.
La formulation faible (4.5) est équivalente à la formulation variationnelle suivante:
Pour résoudre numériquement le problème (4.5), on cherche
une solution approchée . En éléments finis cette solution
est définie par la donnée:
La description d'un maillage comprend deux informations principales:
|
Sur chaque élément du maillage, l'approximation
par élément finis
d'une fonction
est
un polynôme de degré 1 en
et
, qui s'écrit:
Pour déterminer ce polynôme, il faut 3 points d'interpolation
et la valeur de la fonction
en ces 3
points. Les 3 équations
permettent
alors de déterminer les 3 coefficients de
. Pour
assurer la condition de continuité globale de la solution, on choisit
comme points d'interpolation les 3 sommets
du triangle
. L'approximation est donc définie par ses valeurs
aux
noeuds du maillage.
Considérons par exemple la fonction
sur le maillage (4.2). Elle est définie par le tableau de
valeurs nodales
suivants:
Sur l'élément 5 qui a pour sommets les noeuds
La résolution du système (4.7) permet d'obtenir les expressions
suivantes pour
Les relations (4.8) montrent que l'interpolation
de
sur l'élément
(
) est une combinaison
linéaire des valeurs nodales
,
qui s'écrit:
Les fonctions
sont les
3 polynômes de degré 1, associés aux 3 sommets
de l'élément, suivants:
Ces polynômes de degré 1 (dont on vérifie les symétries par permutation d'indices) vérifient :
Ainsi le polynôme vaut 1 sur le sommet
et 0
sur les 2 autres sommets
et
; de même pour
et
avec une permutation des indices. La représentation
en perspective de ces 3 fonctions est donnée sur la figure (4.4)
(pour le tracé on a remplacer les coordonnées des sommets par leurs
valeurs obtenues dans le tableau 4.1: i.e.
Ces polynômes vérifient en outre la relation:
Dans le cas d'une interpolation
, ces polynômes
ont une interprétation géométrique. Ce sont les coordonnées barycentriques.
Ces coordonnées sont définies de la façon suivante: pour chaque point
de coordonnées
, le vecteur
s'écrit
en fonction des sommets du triangle, comme combinaison des vecteurs
,
,
.
Les coefficients sont les coordonnées barycentriques par rapport au
triangle considéré, i.e.
Les valeurs de
vérifient les
relations (voir la figure 4.5 pour les notations):
qui sont justement les expressions (4.10) des polynômes
.
On a aussi une propriété remarquable des coordonnées barycentriques:
un point est à l'intérieur du triangle si et seulement si ses
3 coordonnées barycentriques sont positives, il est sur un des cotés
du triangle si la coordonnée barycentrique par rapport au coté opposé
est nulle, et il est à l'extérieur du triangle si une au moins des
coordonnées barycentriques est négative.
L'approximation par éléments finis est donc définie de façon locale
sur chaque élément, en calculant des formules d'interpolation du type
(4.9) et (4.10). De façon a obtenir une expression
générique pour l'interpolation, on va, comme dans le chapitre précédent
introduire une transformation d'un élément vers un élément
de référence. Cet élément de référence est le triangle rectangle unité
dans le plan de référence
(figure 4.6).
Cette transformation
dont l'expression de en fonction de
s'écrit
:
Les 6 coefficients de la transformation sont déterminés par les conditions
de transformation des 3 sommets
de
vers
les 3 sommets
de l'élément de référence
:
On remarque que est un polynôme de degré 1 en
,
qui vaut 0 en
(car
) , 1 en
(car
), et 0 en
(car
).
C'est donc le polynôme d'interpolation
(ou la coordonnée
barycentrique
) associé au sommet
, dont
l'expression est donnée en (4.10). De même
est
un polynôme de degré 1 en
, qui vaut 0 en
(car
),
0 en
(car
), et 1 en
(car
). C'est donc le polynôme d'interpolation de
Lagrange
(ou la coordonnée barycentrique
)
associé au sommet
. On a donc:
et
En notant
les coordonnées du sommet
de l'élément
, on obtiens l'expression générique de la transformation
de
vers l'élément de référence
:
Sur cet élément de référence, les 3 polynômes d'interpolation
ont une expression très simple: ce sont les fonctions forme
de l'approximation
sur l'élément de référence associées
aux 3 sommets
:
La matrice jacobienne
=
de cette transformation se calcule simplement:
De même la matrice jacobienne de la transformation inverse
est égale à l'inverse de
:
en notant
l'aire du triangle
En notant
les numéros des 3 sommets de l'élément
qui sont donnés par la table de connection (
,
,
), l'approximation
s'écrit
sur l'élément
:
Cette expression a la même forme que la relation (4.9), mais l'expression (4.15) des fonctions de forme est beaucoup plus simple que l'expression (4.10) des polynômes d'interpolation, ce qui va nous permettre en particulier un calcul plus simple des intégrales dans la formulation faible.
Attention: la dérivée d'une fonction dans l'élément
de référence n'est évidemment pas égale à la dérivée dans le plan
physique . Il faut tenir compte du changement de variable:
qui s'écrit en fonction de la transposée de l'inverse de la
matrice jacobienne
. Le vecteur gradient s'écrit:
Nous avons montré que l'approximation par éléments finis
d'une fonction
sur le maillage (4.2)
était déterminée par les valeurs nodales
de
aux
noeuds
du maillage. Sur chaque élément,
est un polynôme de degré 1 donnée par l'expression (4.19),
qui est une fonction linéaire des 3 valeurs aux sommets de l'élément.
On peut donc écrire l'approximation comme une combinaison
linéaire des valeurs nodales
:
Les fonctions sont les fonctions de base de l'approximation.
Elles sont telles que sur chaque élément
on retrouve l'approximation
(4.19), ce sont donc des polynômes de degré 1 en
.
De plus elles vérifient la propriété suivante pour chaque noeud
du maillage de coordonnées
:
Autrement dit la fonction de base est une fonction
continue qui vaut 1 au noeud
du maillage, 0 sur tout les autres
noeuds, et qui sur chaque élément est un polynôme de degré 1. On en
déduit que sur un élément
dont le noeud
n'est pas un
sommet, la fonction
est identiquement nulle (car
elle est nulle sur les trois sommets). Le support de la fonction
(i.e. le lieu des points où la fonction est non nulle) se limite donc
aux éléments du maillage ayant le noeud
pour sommet:
Ainsi la fonction de base est non nulle uniquement
sur les éléments
et vaut
En effet le sommet 2 est le premier sommet sur l'élément
dans la table de connection (4.1), (i.e. Tbc(5,1)=2); le
troisième sur l'élément
(i.e. Tbc(6,3)=2), le second sur
l'élément
(i.e. Tbc(7,2)=1), et enfin le premier sur l'élément
(i.e. Tbc(8,1)=2). Cette fonction de base
est tracée en perspective sur la figure (4.7), et sa forme
est une forme pyramidale.
La solution approchée du problème (4.5) est donc
définie à partir de ces
valeurs nodales
aux sommets du maillage de la figure (4.2).
La solution du problème (4.5) doit de plus vérifiée les conditions aux limites fortes, i.e.:
donc la valeur de est fixé sur les noeuds du maillage
se trouvant sur ces frontières:
Grâce à un choix judicieux de la numérotation des noeuds du maillage,
la solution approchée s'écrit:
Après application des conditions aux limites de Dirichlet, le problème discrétisé possède 4 degrés de liberté. En remplaçant la solution exacte par la solution approchée (4.22) dans (4.5) , il vient la formulation faible discrète:
Les fonctions tests sont déduites de la forme de la solution
approchée (4.22), puisque ce sont des variations
de
:
On vérifie que ces fonctions s'annulent sur les frontières de Dirichlet.
Ce sont des combinaisons linéaires des 4 fonctions de base
associées aux 4 degrés de liberté
.
En choisissant comme fonctions tests dans (4.23),
respectivement ces 4 fonctions de base
, on
obtiens les 4 équations qui vont permettre de calculer les 4 inconnues
:
Après regroupement des termes, en permutant l'intégration et la sommation, les équations s'écrivent:
C'est un système linéaire de 4 équations à 4 inconnues, qui s'écrit
sous la forme matricielle:
, où la matrice
, le second membre
et le vecteur inconnu
sont donnés par:
soit sous forme générique:
On remarque que la matrice est symétrique due à la symétrie
de la formulation faible.
La recherche d'une solution approchée par éléments finis dans la formulation
faible se ramène donc à la résolution du système linéaire (4.24).
Il nous reste donc à calculer la matrice et le second
membre
. A nouveau, comme dans le chapitre précédent,
nous n'allons pas calculer directement les intégrales dans les relations
(4.25), mais suivre une approche systématique pour le calcul
de
et
Le calcul des coefficients de se fait élément par élément,
en notant que l'intégrale sur le domaine
est la somme d'intégrales
élémentaires sur chacun des triangles
du maillage:
En utilisant la propriété des fonctions de base qui sont
non nulles uniquement sur le support du noeud i, on constate que les
intégrales élémentaires
sont presque toujours nulles
sauf si l'élément
est dans le support du noeud i et du noeud
j, c'est à dire si i et j sont des sommets de l'élément
.
On a donc en réalité intégrales élémentaires à calculer par
élément
, ce sont, en notant
les
numéros des 3 sommets de l'élément k:
Avec ces notations, le premier coefficient de la matrice
s'écrit
puisque le noeud 1 a pour support les éléments
et correspond au premier sommet sur l'élément
, au troisième
sur
, .... De même le second coefficient de
s'écrit:
puisque les seuls éléments ayant comme sommet les noeuds 1 et 2 sont
les éléments
. Sur l'élément
le noeud 1
correspond au troisième sommet et le noeud 2 au premier, alors que
sur l'élément
le noeud 1 correspond au premier sommet et
le noeud 2 au troisième.
L'assemblage complet de la matrice donne donc:
Pour calculer les intégrales élémentaires (4.26), on effectue la transformation vers l'élément de référence.
Pour calculer l'intégrale d'une fonction sur un élément
, on effectue le changement de variable
et
pour se ramener à un calcul d'intégrale sur l'élément
de référence. Le calcul de cette intégrale sur l'élément de référence
s'effectue par partie, en intégrant d'abord en
puis en
(figure 4.8). On a donc:
puisque l'on a la relation suivante entre les éléments de surface:
où
est le jacobien (4.17) de la transformation
de l'élément de référence
vers l'élément
vers . En utilisant la relation (4.20) pour le calcul
des dérivées, la matrice élémentaire s'écrit après ce changement de
variable:
En notant que la matrice jacobienne
l'intégrale se simplifie:
Un calcul directe du déterminant du Jacobien fournit la valeur:
que l'on peut vérifier en notant que ce déterminant est le rapport
entre l'aire du triangle :
, et l'aire du triangle
de référence
:
et. De même par un calcul directe
le produit matriciel
s'écrit:
(
Compte tenu de l'expression (4.15) des fonctions de forme, le calcul de leur gradient est trivial:
Pour calculer la matrice élémentaire, on peut effectuer le calcul
directe des 9 coefficients à partir de la relation (4.29),
mais on peut aussi remarquer que la matrice élémentaire est symétrique,
et que la somme des lignes (et des colonnes) est nulle (car la somme
des gradients des fonctions de forme est nulle). Il suffit donc de
calculer 3 coefficients:
, les autres étant déduits comme indiqué ci dessous:
Le calcul de ces 3 coefficients donne
d'où l'expression de la matrice élémentaire
:
Pour calculer la matrice de notre système, il suffit donc de calculer
les 11 matrices élémentaires correspondants aux éléments
du maillage en utilisant les relations (4.30) et (4.31),
et de reporter les coefficients dans la matrice globale (4.27).
On obtiens ainsi les valeurs des coefficients de la matrice du système:
qui est bien entendu symétrique.
Le calcul du second membre (4.25) procède de la même démarche.
On remarque aussi que, dans notre cas, le second membre ne contient
que des termes provenant des conditions aux limites. L'intégrale à
calculer est exactement la même que pour la matrice ,
et on écrit donc le second membre sous la forme:
C'est la somme de coefficients de matrices élémentaires
(4.26): pour calculer le second membre
,
on doit prendre en compte les matrices élémentaires des éléments du
maillage ayant le noeud
comme sommet et un des noeuds
sur
le bord
(i.e.
). Ainsi pour le second membre
on a:
puisque que l'élément a pour premier sommet le noeud 1 et
pour troisième sommet le noeud 7 (qui sur
mais aussi pour
second sommet le noeud 6 (qui sur
et que l'élément
a pour troisième sommet le noeud 1 et pour second sommet le noeud
6.
Le second membre complet s'écrit donc:
Le calcul précédent nous a fournit les matrices élémentaires, et on
obtiens comme valeurs de :
compte tenue de la valeur de
La résolution du système linéaire avec la matrice (4.33) et le second membre (4.34), nous fournit la valeur de la solution approchée pour les 4 degrés de liberté du système:
Compte tenu des conditions aux limites, on obtiens la solution approchée sur tous les noeuds du maillage:
Cette solution est représentée sur la figure (4.9) sous
la forme d'iso-valeurs en couleur. Une ligne corresponds
à une couleur fixe, dont la valeur est fournit par la palette de couleurs
à droite de la figure. Ces lignes iso-valeurs
sont justement
les lignes de courant de l'écoulement . Compte tenu de la petitesse
du maillage, ces lignes de courant approchées ne sont pas très régulières,
mais on retrouve le comportement global de l'écoulement qui est défléchi
par l'obstacle.
On peut comparer cette solution à la solution calculée sur un maillage beaucoup plus fin de
En comparant les deux figures, on constate que l'allure de l'écoulement
est bien la même, par contre la déviation des lignes de courants sur
le maillage grossier (4.9) est beaucoup trop important en
amont de l'obstacle, comparé à la solution de référence (4.10).
Par contre sur l'obstacle, la solution est quasiment identique et
correspond à une répartition linéaire. Cela est confirmé par la figure
suivante (4.11), où on a tracé les profils de la solution
approchée (en traits pointillés) pour deux abscisses (droit
de l'obstacle) et
(amont de l'obstacle), comparés à la solution
de référence (en traits pleins).