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3.4 Équations caractéristiques

Les équations d'Euler forment un système hyperbolique, caractéristique d'un phénomène de propagation. Pour étudier les propriétés de ce système, nous considérerons un écoulement compressible instationnaire 1D isentropique. Le système d'équations s'écrit

\begin{eqnarray*}
\frac{\partial\rho}{\partial t}+\frac{\partial\rho u}{\partial...
...tial\rho u^{2}}{\partial x}+\frac{\partial p}{\partial x} & = & 0\end{eqnarray*}


avec la relation isentropique

\begin{displaymath}
p/\rho^{\gamma}=cste=K
\end{displaymath} (3.1)

Nous allons transformer ce système en éliminant $p$ et $\rho,$ pour ne conserver que 2 variables $u$ et $c=\sqrt{\frac{\gamma p}{\rho}}$.

D'après la relation 3.1, on déduit la relation entre $\rho $ et $c$:


\begin{displaymath}
c^{2}=K\gamma\rho^{\gamma-1}\,\,\mbox{\, soit\, }\, log(\rho)=\frac{2}{\gamma-1}log(c)+cste\end{displaymath}

d'où


\begin{displaymath}
\frac{d\rho}{\rho}=\frac{2}{\gamma-1}\frac{dc}{c}\end{displaymath}

En remplaçant $d\rho$ dans l'équation de bilan de la masse


\begin{displaymath}
\frac{\partial\rho}{\partial t}+u\frac{\partial\rho}{\partial x}+\rho\frac{\partial u}{\partial x}=0\end{displaymath}

on obtient une équation sur $u$ et $c$


\begin{displaymath}
\frac{2}{\gamma-1}\frac{\partial c}{\partial t}+\frac{2u}{\g...
...\frac{\partial c}{\partial x}+c\frac{\partial u}{\partial x}=0
\end{displaymath} (3.2)

De même en remplaçant dans l'équation de quantité de mouvement:


\begin{displaymath}
\frac{\partial u}{\partial t}+u\frac{\partial u}{\partial x}+\frac{1}{\rho}\frac{\partial p}{\partial x}=0\end{displaymath}

$dp=c^{2}d\rho$ on obtient


\begin{displaymath}
\frac{\partial u}{\partial t}+u\frac{\partial u}{\partial x}+\frac{2c}{\gamma-1}\frac{\partial c}{\partial x}=0
\end{displaymath} (3.3)

En additionnant 3.2+3.3 et en soustrayant 3.2-3.3, on obtient les 2 équations caractéristiques:

\begin{eqnarray*}
\left\{ \frac{\partial}{\partial t}+(u+c)\frac{\partial}{\part...
...ac{\partial}{\partial x}\right\} (-u+\frac{2}{\gamma-1}c) & = & 0\end{eqnarray*}


Posons $r=u+\frac{2c}{\gamma-1}$ et $s=-u+\frac{2c}{\gamma-1}$ (invariants de Riemann), le système s'écrit:

\begin{eqnarray*}
\frac{\partial r}{\partial t}+(u+c)\frac{\partial r}{\partial ...
...partial s}{\partial t}+(u-c)\frac{\partial s}{\partial x} & = & 0\end{eqnarray*}


dont l'interprétation est la suivante: soit $\Gamma^{+}$la famille de courbes de pente $\frac{dx}{dt}=u+c$ et $\Gamma^{-}$celle de pente $\frac{dx}{dt}=u-c$, les solutions $r$ et $s$ vérifient

  1. $r=cste$ le long des courbes $\Gamma^{+}$
  2. $s=cste$ le long des courbes $\Gamma^{-}$
En effet soit $\xi$ l'abscisse curviligne le long de la courbe $\Gamma^{+}$ de pente $\frac{dx}{dt}=u+c$, on a


\begin{displaymath}
\frac{dr}{d\xi}=\frac{\partial r}{\partial t}\frac{dt}{d\xi}...
...l t}+\frac{\partial r}{\partial x}(u+c)\right)\frac{dt}{d\xi}=0\end{displaymath}

Connaissant les courbes caractéristiques, on peut alors en déduire la solution en tout point.



\includegraphics[width=0.5\textwidth]{CHAP3/caract}



Soit $M=(x,t)$ un point quelconque du plan $(x,t)$, il se trouve à l'intersection de 2 caractéristiques: $\Gamma^{+}$ issue de $A=(x_{A},0)$ et $\Gamma^{-}$ issue de $B=(x_{B},0)$. On a donc:


\begin{displaymath}
r(M)=r(A)\,\mbox{\, et\, }\, s(M)=s(B)\end{displaymath}

Connaissant $r$ et $s$ on en déduit l'état du fluide en $M$.

Cette démarche attractive possède cependant un inconvénient majeur: on ne sait pas en général déterminer les courbes caractéristiques $\Gamma^{+}$ et $\Gamma^{-}$, car elles dépendent de la solution ! Cependant cette approche nous informe sur les propriétés des équations d'Euler pour un écoulement de gaz:

  1. ces équations traduisent une propagation (équations hyperboliques)
  2. les vitesses de propagation sont $u+c$ et $u-c$ ( et $u$ dans le cas général)
  3. la vitesse de propagation n'est pas forcement constante et dépend de la solution (problème non linéaire)
  4. pour les petites perturbations (ondes acoustiques) $u\ll c$ et la vitesse de propagation vaut $\pm c$
  5. le sens de propagation change suivant le signe de $u-c$
  6. certaines quantités (invariants de Riemann) se conservent le long des caractéristiques
  7. ces équations peuvent générées des discontinuités (chocs), comme on le verra dans la suite

3.4.1 Création des discontinuités

Considérons un écoulement d'air se déplaçant à la vitesse $2U_{0}$ dans un milieu initialement au repos, correspondant au champ de vitesse initial continu:


\begin{displaymath}
u(x,0)=U_{0}(1-\tanh\frac{x}{l})
\end{displaymath} (3.4)

La répartition de pression et de masse volumique à l'instant initial est telle que la célérité du son $c(x,t)$ vérifie:


\begin{displaymath}
c(x,0)=\frac{\gamma-1}{2}u(x,0)+c_{0}\end{displaymath}

i.e. on a pour $x>2l$ un fluide au repos, avec une pression $p_{0}$ et une masse volumique $\rho_{0}$ t.q. $c_{0}^{2}=\frac{\gamma\, p_{0}}{\rho_{0}}$, pour $x<-2l$ un fluide en mouvement à la vitesse $2U_{0}$ (avec $2U_{0}<c_{0}$ écoulement initial subsonique), avec une pression $p_{1}$ et une masse volumique $\rho_{1}$ t.q. $(c_{0}+(\gamma-1)U_{0})^{2}=\frac{\gamma\, p_{1}}{\rho_{1}}$, et entre $-2l<x<2l$ une transition continue en tangente hyperbolique $\tanh\frac{x}{l}$ (rq $\tanh2\simeq0.96$ ).

Avec ces conditions initiales, les invariants de Riemann ont pour valeurs:


\begin{displaymath}
s(x,0)=\frac{2}{\gamma-1}c(x,0)-u(x,0)=\frac{2}{\gamma-1}c_{...
..., }\, r(x,0)=2U_{0}(1-\tanh\frac{x}{l})+\frac{2}{\gamma-1}c_{0}\end{displaymath}



\includegraphics[width=0.5\textwidth]{CHAP3/caract1}



D'après ce qui précède, $s$ est constant le long des courbes caractéristiques $\Gamma^{-}$ qui sont issue de l'axe $Ox$ . Or $s$ est constant à l'instant initial (i.e. sur l'axe $Ox$ ), donc $s$ doit être constant dans tout le plan $(x,t)$

Pour un point M du plan, on a (voir schéma):


\begin{displaymath}
s(M)=\frac{2}{\gamma-1}c_{0},\,\mbox{\, et\, }\, r(M)=2U_{0}(1-\tanh\frac{x_{0}}{l})+\frac{2}{\gamma-1}c_{0}\end{displaymath}

Or d'après la définition de $r$ et $s$ on a: $u=\frac{1}{2}(r-s)$ et $c=\frac{\gamma-1}{2}(r+s)$, $s$ étant constant dans la plan et $r$ étant constant le long des courbes $\Gamma^{+}$, on en déduit que $u$ et $c$ sont forcément constants le long des courbes $\Gamma^{+}$. Or les courbes $\Gamma^{+}$ ont pour pente $u+c$ , ce sont donc des droites. La courbe $\Gamma^{+}$ issue de $A$ est la droite d'équation $x=(u(x_{A},0)+c(x_{A},0))*t+x_{A}$. La famille des droites $\Gamma^{+}$ a pour pente:


\begin{displaymath}
\frac{dt}{dx}=\left(\frac{\gamma+1}{2}U_{0}(1-\tanh\frac{x_{0}}{l})+c_{0}\right)^{-1}=m_{0}^{-1}
\end{displaymath} (3.5)

Pour $x<-2l$ , la pente devient constante ( $\sim\left((\gamma+1)U_{0}+c_{0}\right)^{-1}$) et les caractéristiques sont parallèles, et de même pour $x>2l$ (la pente vaut $\sim c_{0}^{-1}$). Entre les deux la pente varie continûment et les courbes caractéristiques $\Gamma^{+}$ doivent se rejoindre au bout d'un temps $t_{s}$ (intersection des droites issues de $x=-2l$ et $x=+2l$


\begin{displaymath}
t_{s}\simeq\frac{4l}{(\gamma+1)U_{0}}\end{displaymath}



\includegraphics[width=0.8\textwidth]{CHAP3/caract2}



Or lorsque des caractéristiques de la même famille se coupent, la solution ne peut plus rester continue, et une discontinuité doit apparaıtre. L'hypothèse d'écoulement isentropique n'est plus vérifiée et on a apparition d'un choc de compression.

Les courbes caractéristiques ont pour équation (avec les notations 3.5):


\begin{displaymath}
x-m_{0}t=x_{0}\end{displaymath}

On a montré que $u(x,t)$ était constant le long de ces caractéristiques, donc $u(x,t)=F(x-m_{0}t)$

Connaissant la solution initiale $u(x,t=0)$ 3.4, on en déduit la solution $u(x,t)$


\begin{displaymath}
u(x,t)=U_{0}(1-\tanh\frac{x-m_{0}t}{l})\end{displaymath}

et la solution $c(x,t)$


\begin{displaymath}
c(x,t)=\frac{\gamma-1}{2}U_{0}(1-\tanh\frac{x-m_{0}t}{l})+c_{0}\end{displaymath}

On note que $m_{0}$ (3.5) vérifie:


\begin{displaymath}
m_{0}=u(x,0)+c(x,0)=u(x,t)+c(x,t)\end{displaymath}

La solution est donc une onde qui se propage à la vitesse absolue $m_{0}$ , c'est à dire à la vitesse $c(x,t)$ relativement au fluide. La vitesse de propagation des perturbation par rapport au fluide est donc bien $c(x,t)$, la célérité du son locale. Pour une perturbation faible $U_{0}\ll c_{0}$, on retrouve l'approximation de l'acoustique avec des ondes se propageant avec une célérité constante $c_{0}$.

Cette analyse est confirmée par une résolution numérique des équations d'Euler, dont la solution au cours du temps est tracée ci dessous.



\includegraphics[width=0.7\textwidth]{CHAP3/euler1}



Si on considère une onde de détente, i.e. une perturbation correspondant à un champ de vitesse opposé au précédent:


\begin{displaymath}
u(x,0)=U_{0}(1+\tanh\frac{x}{l})\end{displaymath}

la perturbation s'évanouit au cours du temps, puisque les courbes caractéristiques divergent (voir figure ci dessous)



\includegraphics[width=0.6\textwidth]{CHAP3/euler2}




Pr. Marc BUFFAT
marc.buffat@univ-lyon1.fr
2007-03-06