2.4 Formulation faible: approche mathématique

Nous avons vu dans les exemples précédents que la formulation faible peut être obtenue à partir de principes mécaniques (principe des travaux virtuels, principe des puissances virtuelles), d'une formulation lagrangienne (pour des systèmes conservatifs). En fait cette formulation faible peut s'appliquer à n'importe quel système d'équations aux dérivées partielles en utilisant une généralisation de l'approche qui utilise l'analyse fonctionnelle.

C'est cette approche que nous présentons sur l'exemple de l'équation de la chaleur stationnaire avec un second membre $f(x)$:


\begin{displaymath}
-\frac{\partial^{2}u}{\partial x^{2}}=f \mbox{    dans  }\Omega=[0,1]
\end{displaymath} (2.23)

et les conditions aux limites:


\begin{displaymath}
u(0)=0,   u(1)=0
\end{displaymath} (2.24)

La démarche est la suivante:

  1. On multiplie l'équation (3.23) par une fonction test de $x$ quelconque (variation de $u(x)$) $v(x)$, et on intègre sur le domaine. Il vient:

    \begin{displaymath}
-\int_{0}^{e}\frac{\partial^{2}u}{\partial x^{2}}  v  dx=\int_{0}^{1}f.v  dx\end{displaymath}

  2. On intègre par partie le terme de plus haut degré en utilisant une formule de green:

    \begin{displaymath}
\int_{0}^{1}\frac{\partial u}{\partial x}\frac{\partial v}{\...
...ac{\partial u}{\partial x}v\right]_{0}^{1}=\int_{0}^{1}f.v  dx\end{displaymath}

    l'objectif de cette intégration par partie est de symétriser le problème et de faire apparaıtre une intégrale de bord pouvant être calculé à l'aide des conditions aux limites
  3. On calcul l'intégrale de bord à l'aide des conditions aux limites. Pour les conditions de Dirichlet, on impose la valeur de la fonction, donc on impose à la fonction test (qui est variation) de s'annuler. Pour les conditions de Neuman, la condition aux limites permet le calcul du terme de bord si le problème est bien posé. On a donc avec (3.24):

    \begin{displaymath}
v(0)=0  \mbox{    et    }v(1)=0\end{displaymath}

    ce qui permet de calculer le terme de bord:

    \begin{displaymath}
\left[\frac{\partial u}{\partial x}v\right]_{0}^{1}=0-0=0\end{displaymath}

  4. On obtiens alors la formulation faible:

    \begin{displaymath}
\int_{0}^{1}\frac{\partial u}{\partial x}\frac{\partial v}{\partial x}  dx=\int_{0}^{1}f.v  dx\end{displaymath}

    qui doit être vérifiée quelque soit la fonction test $v(x)$vérifiant la condition imposée:

    \begin{displaymath}
v(0)=0,   v(1)=0\end{displaymath}

  5. On regarde quelles sont les conditions à imposées sur la fonction $u(x)$et les fonctions tests $v(x)$pour que cette formulation ait un sens:
D'un point de vue mathématique, les fonctions $f(x)$ de carré sommable (i.e. telle que $\int_{\Omega}f(x)^{2}dx$ existe) forment un espace vectoriel de Hilbert noté $\mathcal{L}^{2}(\Omega)$. Cet espace contient l'espace des fonctions continues $\mathcal{C}^{0}(\Omega)$, mais est bien plus vaste: une fonction continue par morceaux appartiens à $\mathcal{L}^{2}(\Omega)$, mais pas à $\mathcal{C}^{0}(\Omega)$. Cet espace vectoriel est doté d'un produit scalaire, noté $<,>$


\begin{displaymath}
\left\langle f,g\right\rangle =\int_{\Omega}f(x)g(x)  dx
\end{displaymath} (2.25)

De même les fonctions, dont la dérivée est de carré sommable, forment un espace vectoriel de Hilbert $\mathcal{H}^{1}(\Omega)$. Cet espace contiens l'espace des fonctions à dérivées continues $\mathcal{C}^{1}(\Omega)$, mais est bien plus vaste.

La formulation faible s'écrit alors:


\begin{displaymath}
\mbox{Trouvez  }u(x)\in H^{1}(\Omega) \mbox{  t.q.  }u(0)=0,   u(1)=0
\end{displaymath} (2.26)

\begin{eqnarray*}
\int_{\Omega}\frac{\partial u}{\partial x}\frac{\partial v}{\p...
...x & & \forall v\in H^{1}(\Omega)\mbox{    t.q.  }v(0)=0,v(1)=0\end{eqnarray*}


D'un point de vue mathématique et numérique, cette formulation (3.26) a de nombreux avantages par rapport à l'équation aux dérivées partielles (3.23). En particulier les conditions de régularité imposées sur la solution moins contraignantes dans (3.26) avec une solution dans $H^{1}(\Omega)$, que dans (3.23) avec une solution dans $\mathcal{C}^{2}(\Omega)$. Cela permet d'une part de calculer des solutions généralisées (i.e. qui ne sont pas dans $\mathcal{C}^{2}(\Omega)$), et d'autre part la construction plus simple d'approximations de la solution (qui seront dans $H^{1}(\Omega)$ même si la solution est dans $\mathcal{C}^{2}(\Omega)$).

Cette formulation faible a été obtenue par une généralisation du principe des travaux ou puissances virtuelles. En notant $H_{0}^{1}(\Omega)$ l'espace des fonctions $v$ de $H^{1}(\Omega)$ telles que $v(0)=0,  v(1)=0$, elle s'écrit:


\begin{displaymath}
\left\{ \begin{array}{c}
\mbox{Trouvez  }u(x)\in H_{0}^{1}(...
..., v  dx  \forall v(x)\in H_{0}^{1}(\Omega)\end{array}\right.\end{displaymath}

soit en utilisant le produit scalaire (3.25)


\begin{displaymath}
\left\{ \begin{array}{c}
\mbox{Trouvez  }u(x)\in H_{0}^{1}(...
...\rangle   \forall v(x)\in H_{0}^{1}(\Omega)\end{array}\right.\end{displaymath}

On peut donner une interprétation de cette formulation. Notons symboliquement l'équation aux dérivée partielle (3.23) (associée aux conditions aux limites (3.24)):


\begin{displaymath}
L  u=f\end{displaymath}

Le résidu de cette équation s'écrit pour une fonction $w$:


\begin{displaymath}
R(w)=L  w -f\end{displaymath}

La formulation faible consiste à écrire que pour la solution $u$, le résidu $R(u)$ doit être orthogonal au sens du produit scalaire (3.25) à l'espace des fonctions tests $v$


\begin{displaymath}
\left\langle R(u),v\right\rangle =0  \forall v\in H_{0}^{1}(\Omega)\end{displaymath}

En intégrant par partie, on symétrise ce produit scalaire, pour obtenir une forme bilinéaire $a(u,v)=\left\langle \frac{\partial u}{\partial x},\frac{\partial v}{\partial x}\right\rangle $. L'équation finale s'écrit donc


\begin{displaymath}
a(u,v)=\left\langle f,v\right\rangle   \forall v\in H_{0}^{1}(\Omega)
\end{displaymath} (2.27)

Un théorème mathématique (Lax Milgram) permet alors de montrer l'unicité de la solution $u(x)$ , qui est la projection dans $H_{0}^{1}(\Omega)$ de la forme linéaire $l(v)=\left\langle f,v\right\rangle $.

Si la forme bilinéaire $a(u,v)$ est symétrique et V-elliptique (i.e. définie positive), cette forme bilinéaire est un produit scalaire dans $H_{0}^{1}(\Omega)$, et le problème correspond à un problème de minimisation d'une fonctionnelle $\mathcal{J}(w)$ dans $H_{0}^{1}(\Omega)$. Pour notre problème:


\begin{displaymath}
a(u,v)=\left\langle \frac{\partial u}{\partial x},\frac{\par...
...ial x}\right\rangle =\left\langle u,v\right\rangle _{H_{0}^{1}}\end{displaymath}

et la fonctionnelle $\mathcal{J}(w)$ s'écrit:


\begin{displaymath}
\mathcal{J}(w)=\frac{1}{2}a(w,w)-l(w)=\frac{1}{2}\left\langle w,w\right\rangle _{H_{0}^{1}}-\left\langle f,w\right\rangle \end{displaymath}

Cette fonctionnelle est bien minimale en $u$. En effet, en posant $v=w-u$

\begin{eqnarray*}
\mathcal{J}(w) & = & \mathcal{J}(u+v)\\
& = & \frac{1}{2}\le...
...v,v>_{H_{0}^{1}}+<u,v>_{H_{0}^{1}}-\left\langle f,v\right\rangle \end{eqnarray*}


et en utilisant (3.27), il vient


\begin{displaymath}
\mathcal{J}(w)=J(u)+\frac{1}{2}<v,v>_{H_{0}^{1}}\le J(u)   \forall w\in H_{0}^{1}\end{displaymath}

Cette fonctionnelle $J(u)$ est le Lagrangien du système (au signe près) , et on retrouve la formulation variationnelle:


\begin{displaymath}
\left\{ \begin{array}{c}
\mbox{Trouvez  }  u(x)\in H_{0}^{...
...)\le\mathcal{J}(w)  \forall w\in H_{0}^{1}\end{array}\right.
\end{displaymath} (2.28)


\begin{displaymath}
\mbox{avec  }\mathcal{J}(w)=\frac{1}{2}a(w,w)-l(w)=\frac{1}...
...c{\partial w}{\partial x}\right)^{2}  dx-\int_{\Omega}f.w  dx\end{displaymath}

Pour ce problème, on peut calculer la valeur de la fonctionnelle $J(u)$ à l'équilibre, en choisissant comme fonction test $v(x)$ la solution $u(x)$ dans la formulation faible.


\begin{displaymath}
a(u,u)=l(u)\end{displaymath}

d'où


\begin{displaymath}
\mathcal{J}(u)=\frac{1}{2}a(u,u)-l(u)=-\frac{1}{2}a(u,u)\end{displaymath}


Pr. Marc BUFFAT
marc.buffat@univ-lyon1.fr
2007-03-12