Sous-sections

0.2 Milieu continu

Un fluide, bien que constitué d'atomes au niveau microscopique, peut être considéré au niveau macroscopique comme un milieu continu: c'est à dire que les propriétés du fluide sont des fonctions continues des variables d'espace $(x,y,z)$ et du temps $t$.

Décrire le mouvement d'un fluide fait appel à des notions différentes de celles développées en Mécanique du point ou du solide. Le fluide est en mouvement continue et on parle donc d'écoulement de fluide. Contrairement au solide, on s'intéresse donc plus à la vitesse des particules fluides qu'à leur déplacement ou déformation comme en mécanique des solides.

0.2.1 particule fluide

Pour décrire un fluide, on introduit la notion de “particule fluide”. On isole (par la pensée ou en trouvant un moyen de visualisation, coloration par exemple) des parties restreintes du fluide, appelée “particules fluide”. Ces “particules fluides” contiennent statistiquement le même nombre de molécules et doivent avoir un volume $V=a^{3}$ dont la dimension $a$ vérifie les hypothèses de milieu continue:

  1. $a$ est très petite devant les échelles caractéristiques $L$ de l'écoulement (diamêtre du canal, taille de l'obstacle,..).
  2. $a$ est très grand devant le libre parcours moyen $l$ des molécules (échelle microscopique).
Ainsi pour de l'hélium à pression et température standard, le libre parcours moyen vaut:


\begin{displaymath}
l\approx2,6\,10^{-6}\, m\end{displaymath}

et dans un volume molaire $\mathcal{V}$ :


\begin{displaymath}
\mathcal{V}\approx22\,10^{-3}\, m^{3}\end{displaymath}

il y a $\mathcal{N}=6,02\,10^{23}$ atomes d'hélium. Donc une particule fluide de taille $a=0.1\, mm\,\gg l$, il y a $n\approx30\,10^{12}$ atomes.

Pour une particule fluide, on peut alors définir:

  1. sa masse $m$ (somme des masses des molécules),
  2. son volume $V$,
  3. sa vitesse $\overrightarrow{U}$ (vitesse moyenne des molécules),
  4. sa température $T$ (qui mesure l'agitation moléculaire),
  5. sa pression $p$ ( échange de quantité de mouvement des molécules à travers la surface de la particule fluide).
On peut ensuite en déduire pour la particule:

  1. la masse volumique $\rho=\frac{m}{V}$
  2. la quantité de mouvement $m\overrightarrow{U}$
  3. la quantité de mouvement par unité de volume $\rho\overrightarrow{U}$
  4. l'énergie interne $E$
  5. l'énergie interne par unité de masse $e=\frac{E}{m}$
  6. l'énergie interne par unité de volume $\rho e$
remarque:
on utilise aussi par abus de langage, le terme densité pour masse volumique. ce n'est pas exacte, car la densité est par définition un nombre sans dimension, qui est le rapport entre la masse volumique $\rho $ et la masse volumique de l'eau pure $\rho_{0}=1000\, kg\, m^{-3}$à $3,98\,°C$

0.2.2 description lagrangienne

On peut, de manière analogue à ce que l'on fait en Mécanique du solide, isoler (par la pensée ou en trouvant un moyen de visualisation, coloration par exemple) une partie restreinte du fluide appelée particule fluide et la "suivre" au cours du temps c'est à dire connaıtre à chaque instant sa position.

Soit $M(t)$ la position de la particule à l'instant $t$, de coordonnées $\{ x_{M}(t),y_{M}(t),z_{M}(t)\}$, la vitesse de la particule aura pour composantes:


\begin{displaymath}
u_{M}=\frac{dx_{M}}{dt}\,,\, v_{M}=\frac{dy_{M}}{dt}\,,\, w_{M}=\frac{dz_{M}}{dt}\end{displaymath}

Au cours du temps, la particule sera en différents points M , l'ensemble des points M constitue la trajectoire de la particule. Cette façon de faire est appelée méthode de Lagrange, les variables introduites sont appelées variables de Lagrange. Elle s'avère dans la plupart des cas délicate car il n'est pas facile de suivre toutes les particules et elle est peu employée.

0.2.3 description eulerienne

Cette méthode d'Euler consiste à connaıtre la vitesse des particules au cours du temps t à un endroit donné déterminé par ses coordonnées, par exemple cartésiennes $(x,y,z)$. Elle est plus employée que la méthode de Lagrange, la connaissance du champ des vitesses étant suffisante pour la description du fluide en mouvement.

On choisit un petit élément de volume $dxdydz$, dont la position $(x,y,z)$ est fixe dans le référentiel de l'observateur, et on détermine la vitesse des particules fluides qui traversent cet élément de volume. La vitesse $\overrightarrow{U}$ mesurée dépend évidemment du temps $t$ et du point de mesure $(x,y,z)$:


\begin{displaymath}
\overrightarrow{U}=\{ u(x,y,z,t),\, v(x,y,z,t),\, w(x,y,z,t)\}\end{displaymath}

De façon générale, les propriétés du fluide mesurées par la méthode d'Euler dépendent donc du point $(x,y,z)$ et du temps $t$.

Si l'on compare les fluides avec les solides, la première remarque qui s'impose concerne l'isotropie (les propriétés sont les mêmes dans toutes les directions spatiales) des fluides usuels qui est toujours réalisée (si l'on agit pas sur le fluide en tout cas!).

En particulier, en un point quelconque d'un fluide, la pression est indépendante de la direction de la normale à la surface élémentaire sur laquelle elle s'exerce (théorème de Pascal).

0.2.4 propriétés d'un écoulement

0.2.4.1 écoulement stationnaire

L'écoulement du fluide est permanent ou stationnaire si ses composantes de vitesse sont indépendantes de la variable temps t ; il est dit non-permanent ou instationnaire si cette condition n'est pas réalisée.

remarque:
le lecteur s'évitera de conclure que, dans un écoulement permanent, la particule fluide n'a pas d'accélération, car ceci est en général faux ! Dans un écoulement stationnaire, la vitesse en un point est indépendante du temps, mais elle peut varier d'un point à un autre, et donc les particules fluides peuvent être soumise à une accélération.

0.2.4.2 écoulement uniforme

L'écoulement du fluide est uniforme si ses composantes de vitesse sont indépendantes des coordonnées d'espace; il est non-uniforme si cette condition n'est pas remplie.

remarque:
le lecteur s'évitera de conclure que, dans un écoulement uniforme, la particule fluide n'a pas d'accélération.

0.2.4.3 ligne de courant

On appelle ligne de courant , à un instant t fixé, une courbe dont la direction tangente en chacun de ses points est la direction du vecteur vitesse. L'équation d'une ligne de courant se calcule par intégration, à un instant t fixé, des équations suivantes (en notant $dx,dy,dz$ la tangente en $(x,y,z)$ à la ligne de courant):


\begin{displaymath}
\frac{dx}{u(x,y,z,t)}=\frac{dy}{v(x,y,z,t)}=\frac{dz}{w(x,y,z,t)}\end{displaymath}

remarque:
les lignes de courants et les trajectoires sont des courbes distinctes, sauf pour les écoulements stationnaires.

0.2.4.4 écoulement plan

Si la vitesse n'a pas de composante suivant $z$, l'écoulement est plan ou bi-dimensionnel. Les particules fluides restent dans le plan, et la vitesse ne dépend en général que de $(x,y)$ et du temps $t$.

0.2.4.5 écoulement unidimensionnel

Si la vitesse a une seule composante de vitesse $u(x,t)$, l'écoulement est 1D. Les trajectoires et les lignes de courant sont des droites.

0.2.5 dérivation suivant la méthode d'Euler

Considérons la fonction scalaire $f(x,y,z,t)$ rendant compte d'une grandeur physique caractéristique du fluide au point de coordonnées $(x,y,z)$ et au temps t. La particule fluide au temps $t+dt$ sera au point de coordonnées $x+u\, dt,\,\, y+v\, dt,\,\, z+w\, dt$. La variation de la fonction $f$ sera donc égale à :

\begin{eqnarray*}
df & = & f(x+u\, dt,\,\, y+v\, dt,\,\, z+w\, dt,t+dt)-f(x,y,z,...
...rtial y}v\, dt+\frac{\partial f}{\partial z}w\, dt+\theta(dt^{2})\end{eqnarray*}


La dérivée $\frac{df}{dt}$, que l'on note $\frac{Df}{Dt}$ et que l'on appelle dérivée particulaire, est égale à :


\begin{displaymath}
\frac{Df}{Dt}=\frac{\partial f}{\partial t}+u\frac{\partial ...
...tial f}{\partial t}+\overrightarrow{U}.\overrightarrow{\nabla}f\end{displaymath}

0.2.6 cinématique des fluides

Au cours du mouvement, une particule de fluide subit des changements de position, d'orientation et de forme. Nous considérons deux points voisins $M(x,y,z$) et $M'(x+dx,y+dy,z+dz)$ d'un même fluide. Leurs vitesses respectives $\overrightarrow{U}(M)$ et $\overrightarrow{U}(M')$ s'écrivent à un instant $t$ donné (en utilisant des développements limités):

\begin{eqnarray*}
u_{M'} & = & u(x+dx,y+dy,z+dz,t)=u_{M}+\frac{\partial u}{\part...
...x+\frac{\partial w}{\partial y}dy+\frac{\partial w}{\partial z}dz\end{eqnarray*}


Ces expressions s'écrivent sous forme matricielle:


\begin{displaymath}
\overrightarrow{U}_{M'}=\overrightarrow{U}_{M}+\overline{\overline{grad}}(\overrightarrow{U})\,\overrightarrow{MM'}\end{displaymath}

En décomposant la matrice des gradients de vitesse $\overline{\overline{grad}}(\overrightarrow{U})$ en sa partie symétrique et anti-symétrique, ces relations peuvent se réécrire sous la forme suivante :

\begin{eqnarray*}
u_{M'} & = & u_{M}+\frac{1}{2}\left((\frac{\partial u}{\partia...
...partial v}{\partial z})dy+2\frac{\partial w}{\partial z}dz\right)\end{eqnarray*}


soit sous forme vectorielle


\begin{displaymath}
\overrightarrow{U}_{M'}=\underbrace{\overrightarrow{U}_{M}}_...
...ation}}}+\underbrace{\overrightarrow{D}}_{\mbox{{déformation}}}\end{displaymath}

$\overrightarrow{\Omega}=\frac{1}{2}\overrightarrow{rot}\,\overrightarrow{U}$ est le vecteur tourbillon instantané et $\overrightarrow{D}$ la vitesse de déformation instantanée.

D'une manière générale, le mouvement d'une particule fluide est la superposition d'une translation, d'une rotation et d'une déformation.

\includegraphics[width=0.8\textwidth]{cinematique}

Animation de la trajectoire (à gauche) et de la déformation seule (à droite) d'une particule fluide initialement carrée dans un champ de vitesse compressible
(Rem: noté le changement de surface de la particule)


Pr. Marc BUFFAT
marc.buffat@univ-lyon1.fr
2007-03-06