SOPRANO : Smart & Open-source Pattern Recognition Algorithm for Neural Oscillations.
Au cours des dernières décennies, plusieurs avancées importantes ont permis à la communauté neuroscientifique de mieux comprendre de nombreux mécanismes du cerveau éveillé. En revanche, les différentes fonctions du sommeil restent, pour l’heure, très controversées. De nombreuses fonctions cognitives sont régulièrement associées au sommeil, dont la maturation cérébrale, la régulation des émotions, et l’apprentissage. D’autre part, une altération du sommeil est retrouvée dans de nombreuses pathologies, dont certaines à forte prévalence comme la dépression ou la maladie d’Alzheimer. Cependant nous ignorons encore largement la nature des mécanismes altérés par ces pathologies. Afin de comprendre ces effets, il est donc nécessaire d’étudier la dynamique des différentes régions cérébrales au cours du cycle veille-sommeil. Ces cycles se composent de trois états de vigilance principaux : l'éveil (EV), le Sommeil Lent (SL) et le Sommeil Paradoxal (SP).
Ces états de vigilance étant très différents, on considère qu’ils sont responsables de processus distincts et complémentaires, sur la mémoire par exemple. Ces états de vigilance se distinguent notamment par des activités électriques cérébrales différentes, ainsi que par des variations de l’activité musculaire. Les équipes SLEEP et FORGETTING du CRNL privilégient les modèles rongeurs (rats/souris) pour différentes raisons. Ces modèles présentent des caractéristiques de sommeil très proches de l’homme et permettent par ailleurs des interventions expérimentales impossibles chez des patients humains. Il est par exemple possible d’examiner l’effet d’une activation ou d’une inactivation de certaines structures du cerveau sur le sommeil et ses fonctions associés en analysant l’activité électrique intracérébrale de ces rongeurs. De plus certaines méthodes permettent d’intervenir spécifiquement pendant certains états de vigilance, à condition que ceux-ci soient convenablement détectés. En se basant sur les signaux enregistrés chez ces animaux, un expert peut ainsi attribuer un état de vigilance à un échantillon de signal donné. Actuellement les analystes sont obligés d’effectuer cette étape de façon semi-automatique ou manuelle. Ce sont des méthodes très lourdes, coûteuses en temps, sujettes à l'erreur humaine et qui peuvent affecter la cohérence des résultats.
Pour pallier ces inconvénients plusieurs systèmes informatiques et algorithmiques de classification automatique ont été développés comme SLEEPSCORE [2]. Toutefois ces algorithmes manquent généralement de flexibilité à plusieurs égards. D’une part, ces algorithmes effectuent une classification à partir d’un nombre très restreint de signaux (souvent un canal d’activité électro-encéphalographique [cerveau] et un canal d’activité électro-myographique [muscles]) alors que les techniques d’ingénierie permettent de nos jours d’enregistrer l’activité du cerveau en plusieurs dizaines, voire centaines d’emplacements différents. D’autre part ces algorithmes ont été développés spécifiquement pour classifier le signal en EV, SL ou SP ; et ne peuvent pas apprendre à distinguer d’autres classes, alors que des différences importantes peuvent exister entre éveil actif et éveil calme par exemple, ou bien au cours du sommeil de transition entre SL et SP. Enfin, l’amélioration des techniques de traitement du signal augmente considérablement le nombre de paramètres qu’il est possible d’extraire à partir d’une ou plusieurs séries temporelles brutes, ce qui est fréquemment sous-exploité par les algorithmes actuels.
Les données enregistrées par les équipes du CRNL se présentent sous forme de fichiers binaires 16 bits au sein desquels 11 canaux sont entrelacés. Ces fichiers bruts, découpés en segments de 4h et échantillonnés à 5kHz occupent, avec les vidéos qui les accompagnent, un volume de données d'une vingtaine de Giga-octets par 24h d'enregistrement, pour une taille totale de la base d'approximativement une dizaine de Téraoctets enregistrés. L’équipement acquis par le CRNL par l’intermédiaire de ce projet PEPS permettra de passer de 11 à 64 canaux d’enregistrements, et de 5KHz à 32 KHz. Les neurosciences commencent ainsi à être confrontées aux problèmes posés par le "Big Data". C’est dans ce contexte qu’une collaboration entre le CRNL et LIRIS a vu le jour, pour la mise œuvre d’une solution informatique souple et performante pour la détection automatique des états de vigilance ainsi que pour la caractérisation fine de ces derniers.